La disparition du minibar, ce tour de magie financière des hôtels
- François Remy

- 17 sept.
- 3 min de lecture
Les chaînes hôtelières repensent leur modèle économique pour tenter de rentabiliser chaque mètre carré. Des composantes de l'expérience qu’on pensait indéboulonnables disparaissent alors, à l'instar des minibars. Ce n'est qu'une diversion, pour rediriger ailleurs l'attention et surtout la consommation des clients. Abracadabra…

Un numéro de magie bien exécuté repose sur des techniques savamment rodées. Prenons la diversion. En attirant l'attention sur ce qui disparaît, on détourne le regard de ce qui se trame ailleurs. L'illusion du vide remplit d'autres fonctions. Le tour du minibar, qui se volatilise dans les chambres d'hôtels, en offre une singulière illustration, comme le dévoile l'expert en design Ron Swidler, CEO de The Gettys Group, dans la série Pro Perfected du Wall Street Journal.
Le minibar ne représente qu'une partie d'un tour financier plus large : réduire la taille des chambres tout en maintenant la satisfaction client, afin d'optimiser les espaces et rentabiliser le moindre centimètre carré libéré. Placards, bureaux, tables à repasser, tout ce qui n’est pas essentiel est retiré. À l’échelle de tout un établissement, ces petites suppressions offrent des économies substantielles. Les groupes hôteliers peuvent même pousser les murs pour démultiplier les chambres, plus rapidement nettoyables, avec autant ou moins de main-d’œuvre.
Pourtant, par définition, le minibar ne semble pas grignoter beaucoup de place. En plus, ce frigo miniature, truffé de boissons et snacks, offre un espace de vente directe dans la chambre, donc potentiellement lucratif. Sauf que ce minibar demande une attention disproportionnée (vérification du stock, restockage quotidien si nécessaire) et s'avère finalement coûteux à gérer. Pas de sacrifice dès lors, que du contraire.
Dynamiser les lieux d’interaction… et de consommation
« Il ne s'agit pas de faire des optimisations au rabais, il s'agit de supprimer les éléments à faible valeur ajoutée, comme les minibars rarement utilisés, pour réinvestir cet espace là où il compte vraiment », insiste Ron Swidler dans une note complémentaire sur la profitabilité des chambres d’hôtel.
La clé de la satisfaction client, et des revenus qui en dépendent, se trouve hors de la chambre. En réduisant le poids des chambres sur les activités, les opérateurs se donnent la possibilité d’agrandir et de dynamiser les espaces communs, qu’il s’agisse des bars et salons, des restaurants ou des points de vente grab-and-go. « Il faut offrir aux clients des espaces de respiration dans les parties communes. Cela crée aussi des opportunités de vente », explique le CEO de The Gettys Group.
Dans sa note explicative, le designer prend pour exemple chiffré les 3000 $ générés chaque mois (~2500 €) par le comptoir grab-and-go de l’hôtel Moxy, une enseigne milieu de gamme du groupe Marriott, situé dans la station balnéaire canadienne de Banff, au cœur des montagnes Rocheuses. Un retour sur investissement notable pour ce service nécessitant peu de personnel.
Reconfiguration sur mesure
Plus globalement, chaque surface, chaque routine de nettoyage représente une opportunité de conception. Le nombre de places assises dans un bar influence directement les besoins en personnel. En comprenant l’équilibre entre volume et main-d'œuvre, il est possible de « maximiser l’impact financier en minimisant les coûts opérationnels ».
Même le check-in peut s’établir au comptoir du bar, créant une ambiance animée dès l’arrivée tout en économisant sur les effectifs. Il conviendra d’identifier les occasions manquées significatives, en analysant la concurrence locale, les profils des clients, les moteurs de la demande dans le quartier.
Les hôtels doivent « passer en revue tous les restaurants et bars de la zone pour comprendre où se situent les vraies opportunités de faire quelque chose de différent. Chaque élément doit sembler parfaitement à sa place et offrir aux clients quelque chose qu’ils ne peuvent trouver nulle part ailleurs à proximité », ponctue Ron Swidler.
Aussi parfaitement conceptualisée soit l’optimisation, il reviendra toujours aux exploitants de l’hôtel de s’assurer de la qualité des services. Une grande partie de l'expérience globale reposera toujours sur la capacité des équipes à veiller au bonheur des clients. Et là, alors, la magie financière opèrera…




