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Prosus prend les commandes de JET: Le fondateur de TakeAway.com Jitse Groen est... à emporter

Just Eat Takeaway.com (JET), maison mère de la plateforme de livraison en Belgique, a annoncé une transition majeure : son fondateur et CEO historique, Jitse Groen, quitte la direction de l’entreprise qu’il a créée en 2000. Derrière l’annonce officielle, une réalité s’impose : Prosus, désormais propriétaire, place ses hommes aux commandes et impose sa stratégie, précipitant de facto la sortie du fondateur.

Jitse Groen © Just Eat Takeaway.com
Jitse Groen © Just Eat Takeaway.com

Une transition aux allures d'éviction ? C’est en tout cas la fin d’une ère et le début d’une reprise en main apparemment musclée. Après un quart de siècle à la tête de Just Eat Takeaway.com (JET), le fondateur et CEO historique Jitse Groen annonce "quitter le navier aujourd'hui". Une décision qui entérine le changement de dimension du géant amstellodamois de la livraison : désormais sous la coupe de l'investisseur technologique Prosus, ce dernier y place ses propres hommes aux commandes pour "relancer la croissance", marquant une rupture nette avec la vision de son créateur.


Le communiqué est formel, laissant les rênes à Roberto Gandolfo, actuel président du conseil de surveillance de JET et haut dirigeant de Prosus Europe. Une nomination efficace au 1er janvier 2026, encore soumise à l’aval de la Banque centrale néerlandaise. Mais la lecture entre les lignes laisse supposer une accélération brutale du calendrier. Si l'entrée en fonction du nouveau CEO est attendue au 1er janvier 2026, Jitse Groen évoque l'immédiateté, ce qui détone avec les transitions douces habituelles dans les grandes entreprises cotées.


Cela ouvre le champ aux interprétations, quant à une éventuelle divergence stratégique majeure ou une volonté impérieuse du nouvel actionnaire fort d'imposer son rythme. Cela ressemble à du gardening leave, une mise à l'écart des opérations, laissant l'entreprise en pilotage automatique ou sous intérim officieux pendant un délai procédural. Ce qui traduit habituellement une rupture d'entente.


Prosus place ses pions : la stratégie iFood ?


Fabricio Bloisi, CEO de Prosus, ne s'en cache pas : JET entre dans une "nouvelle phase sous la propriété de Prosus". Le vocabulaire utilisé ("exécution", "bouger vite", "transformer") sonne comme un poli désaveu de la gestion récente, jugée possiblement trop lente par les nouveaux maîtres du jeu.


Le successeur désigné, Roberto Gandolfo, est connu pour ses faits d'arme. Actuel président du conseil de surveillance de JET et dirigeant de Prosus Europe, il est un pur produit de la galaxie du fonds d'investissement. Il a dirigé l'entreprise brésilienne iFood (une autre participation de Prosus), faisant passer la plateforme de 1 à 120 millions de commandes mensuelles. iFood est désormais réputée pour être une "machine de guerre" logistique extrêmement efficace et rentable. Importer ce modèle en Europe, où le droit du travail et la régulation des gig workers sont beaucoup plus stricts, sera un défi majeur du nouveau CEO.


Mais en nommant un expert de l'hyper-croissance et de l'optimisation opérationnelle, Prosus signale sa feuille de route : la rentabilité ne suffit plus, il faut redevenir un "champion technologique". Pour verrouiller le tout, Fabricio Bloisi remplace Gandolfo à la présidence du Conseil de Surveillance, assurant un contrôle total de la gouvernance, du stratégique à l'opérationnel.


"Je quitte aujourd'hui l'entreprise aujourd'hui après y avoir passé un quart de siècle. Je suis immensément fier du travail accompli par notre équipe et je tiens à exprimer ma plus profonde gratitude à tous ceux qui ont contribué à cette aventure extraordinaire. Moedig voorwaarts !" Jitse Groen, ex-CEO de Just Eat Takeaway.com

La fin de l'aventure étudiante et du dilemme du fondateur


Le départ de Jitse Groen clôt un chapitre de vingt-cinq ans. De l'idée née dans un grenier à Enschede en 2000, Groen a bâti un empire via des acquisitions audacieuses (Lieferando en 2014, fusion avec Just Eat en 2020). Le bilan est colossal : 60 millions de consommateurs. 19 milliards d'euros de volume d'affaires en 2024. Une présence dominante au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas.


Dans sa déclaration finale, teintée d'émotion, le fondateur lance un dernier "Moedig voorwaarts!", appelant à aller de l'avant avec courage, comme pour rappeler l'esprit combatif qui a permis à JET de survivre à la guerre des prix du secteur.


Ce remaniement illustre potentiellement un classique du capitalisme technologique : le moment où l'investisseur financier estime que le fondateur visionnaire devient un frein au développement industriel.


Dans le communiqué, l'expression "sous propriété de Prosus" semble plus évocatrice que circonstanciée. Jusqu'à récemment, JET était une entreprise cotée avec un actionnariat éclaté. Prosus a consolidé sa position pour agir non plus comme un investisseur, mais comme un propriétaire opérateur. C'est un signal fort : JET va probablement subir une restructuration type private equity (réduction de coûts, focalisation sur les segments les plus rentables, cession potentielle de filiales).


En prenant le contrôle, Prosus parie que l'expertise de la gestion de plateforme à la Gandolfo surperformera l'intuition entrepreneuriale à la Groen. Reste à voir si cette rationalisation ne brisera pas la culture interne d'une entreprise qui s'est construite autour de la personnalité forte de son créateur.

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