Les boissons se réinventent, nouveau carburant pour la rentabilité des restaurants
- François Remy
- 3 sept.
- 4 min de lecture
Cocktail au fût, carte des eaux élaborée par un sommelier, sodas personnalisables : la boisson n’est plus un accompagnement mais un levier stratégique. Une transformation silencieuse rebat les cartes dans tout le secteur, des fast-food aux gastronomiques, avec un impact potentiel sur la rentabilité significatif.

À Saint-Nicolas, l’Aperol Spritz coule désormais à flots… depuis une tireuse. Sur la Grand-Place, le restaurant La Bella Italia propose depuis peu le cocktail emblématique de l’été à la pression. Servi parfaitement dosé, directement depuis une pompe connectée à un fût de 20 litres. Une innovation aussi simple qu’efficace, qui garantit vitesse de service, qualité constante et rentabilité accrue. « Les clients adorent. Beaucoup trouvent même que c’est meilleur qu’avant », confie le gérant au Het Laatste Nieuws. Au-delà de la praticité, le geste attire l’œil, dynamise le bar et valorise un produit-phare des terrasses estivales.
Changement de décor, et montée en gamme. À Macclesfield, le restaurant La Popote, recommandé par le Guide Michelin, a lancé la première carte des eaux embouteillées au Royaume-Uni. À l’instar d’une bonne carte des vins, l'inventaire des eaux a été conçu avec attention par un sommelier. Enfin, par l’un des cinq sommeliers du pays spécialisés en eaux. Les propositions s’articulent autour de sept eaux premium, plates et gazeuses, tarifées entre 5 et 19 £ la bouteille (entre 6 et 22€).
Les eaux sont servies dans des verres à vin pour la mise en valeur et s’accompagnent d’un storytelling soigné autour des régions d’origine, entre l’Islande et l’Espagne. Il s’agit d’offrir une alternative raffinée à ceux qui ne consomment pas d’alcool, dans un contexte où, selon les dires du chef Joseph Rawlins au Daily Mail, « une table sur deux comprend aujourd’hui au moins un non-buveur ».
Les boissons deviennent une destination, pour les clients mais aussi les entreprises
Dernier changement d’échelle, plus internationale, mais même usage. Chez McDonald’s, Starbucks ou Dunkin’, les boissons ne sont plus un simple « side ». Les breuvages sont devenus une raison de visite en soi, notamment pour la Génération Z friande de produits personnalisés, visuellement attractifs.
Selon Technomic, l’offre de boissons a augmenté de 9 % en un an dans les 500 plus grandes chaînes de service de restauration rapide (QSR). McDo teste ainsi des « dirty sodas » et autres rafraîchissements fruités, tandis que Starbucks lance une cold foam protéinée sans sucre. La boisson devient fonctionnelle, instagrammable et hautement rentable - un trio gagnant dans un marché sous tension.
Lors de la dernière présentation des résultats de McDonald’s, le CEO de la chaîne aux arches dorées, Chris Kempczinski, a déclaré que les boissons représentaient une « grande opportunité » pour la marque. « C’est un segment en croissance, plus rentable que la nourriture. Il y a donc beaucoup de raisons de s’y intéresser, et c’est pour cela que nous - tout comme certains de nos concurrents, je pense - sommes très enthousiastes à ce sujet », a-t-il expliqué aux analystes, comme le relayait CNBC. Notamment parce que la catégorie des boissons permet de proposer de nombreux « full margin products », des produits que les franchisés ne doivent pas brader à coup de promo.
Il a ajouté que, même s’il existe des offres à prix réduit dans la catégorie des boissons, celle-ci permet également de proposer de nombreux produits à marge complète, sans que les franchisés aient besoin de les brader.
La boisson, un levier stratégique pas assez mis à profit
À la lumière de ces quelques cas concrets, la mutation profonde épinglée par l’analyse industrielle Inside the Restaurant Bill : Consumer Spend & Beverages Habits de Gondola Foodservice (GFS) s’illustre pleinement : les boissons représentent une portion de la dépense en restauration, de l’ordre de 20% en Belgique, mais elles restent encore largement sous-exploitées en tant que catégorie stratégique.
Autrement dit, tout ce que le client peut boire constitue un enjeu déterminant. Le marché de la restauration belge pèse en valeur déclarée 7,3 milliards d'euros, ce qui signifie que la catégorie des boissons équivaut à 1,46 milliard d'euros.
« Dans un secteur où le volume est le moteur et la marge un défi, cela laisse un potentiel de croissance évident », indique Amaury Marescaux, CEO de Gondola Foodservice. « Les boissons ne sont plus un simple ajout fonctionnel. Elles évoluent pour devenir une couche stratégique de l'expérience au restaurant, façonnant la façon dont les clients perçoivent la valeur, l'identité et même l'hospitalité elle-même. »
D’ailleurs, l’auteur de l’analyse de GFS observe des courants sous-jacents converger dans les tendances de marché. La créativité réinventée ; les boissons non alcoolisées deviennent des créations à part entière, riches en couches sensorielles (infusions, fermentations, textures). Le réajustement culturel ; l’alcool n’est plus la norme - il est sélectionné, contextualisé, challengé. Et la stratification économique ; dans le haut de gamme, les boissons soutiennent le chiffre d’affaires ; ailleurs, elles doivent justifier leur prix par l’expérience qu’elles proposent.
« Les accords mets et vins dans les restaurants gastronomiques peuvent générer jusqu'à 40 % du chiffre d'affaires », rappelle Amaury Marescaux. « Pendant ce temps, dans les formats plus décontractés, la décision de ne pas prendre de boisson est souvent une question de budget. »
Le constat est donc sans appel : ce qui est dans le verre mérite autant d’attention que ce qui est dans l’assiette. Sinon plus…