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Le premier abonnement gastronomique en Belgique : « J’ai envie de casser les codes de l’horeca »

Le fast-food gastronomique namurois Demain à Main propose à ses clients de s’abonner comme ils le feraient à une plateforme de streaming ou une salle de gym. Un concept inédit sur le marché belge et encore assez rare auprès des bonnes tables plus globalement.


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« L’abonnement, c’est une manière de stabiliser nos rentrées », motive de façon pragmatique Guillaume Gerdsorff. « Ça nous donne du cash-flow dès le début du mois et une meilleure visibilité pour nous organiser. » Ce jeune chef-entrepreneur, biberonné à l’horeca au sein d’une famille renommée dans l’hôtellerie et la restauration haut de gamme, formé auprès des plus grands, propose donc aux clients de s’abonner à son « fast-food gastronomique » Demain à Main.


Pour moins de 30 euros par mois, les 1000 premiers inscrits à cette offre limitée pourront visiter deux fois l’établissement en bord de Sambre, vis-à-vis de la Citadelle, pour y savourer un plat, accompagné d’une boisson au choix.


La cuisine décomplexée de ce chef salué d’un Bib Gourmand lors de sa précédente aventure bistronomique (Kookin, 2019) s’amusait déjà à tordre les codes de la restauration rapide, en servant des classiques de brasserie revisités et surtout ses pâtes signature, réalisées à la main dans l’atelier visible depuis les tables.


Mais Guillaume Gersdorff ambitionne de pousser l’innovation encore plus loin avec ce concept de fidélisation payante manifestement inédit sur le marché belge. « J’ai envie de casser les codes de l’horeca traditionnel et de proposer quelque chose de différent. C’est ce que j’adore », concède-t-il très spontanément. Il existe plusieurs forfaits dédiés à l'art de la bonne chère en Belgique, à l'instar du Restopass dont la formule supérieure inclut une sélection de tables gastronomiques. Mais il s'agit de système de réduction ou d'offres spéciales, et non d'une véritable netflixisation de l'expérience culinaire comme celle que propose Demain à Main.


À ce jour, le modèle d'abonnement direct reste d'ailleurs relativement rare à grande échelle. La plupart des initiatives se concentrent généralement sur un produit particulier, comme le café, ou gravitent autour des prix réduits, des packages, des « all-in » ou autres forfaits à volonté. De nombreuses grandes entreprises, même externes au foodservice, animent des communautés et récompensent leurs membres en privilèges événementiels ou économiques touchant à la restauration. À l'image du programme Infinite Dining Series du géant des paiements Visa.


Pourtant, les consommateurs trouvent l'idée appétissante, à en croire le dernier rapport sur l'industrie de la National Restaurant Association. La majorité des adultes de la génération Z (81%), des millennials (79%) et de leurs aînés (71%) affirment qu'ils souscriraient probablement à ce genre d'abonnement aux repas.

Une gastronomie innovante et donc vivante


Difficile de ne pas repenser aux mots que nous confiait récemment Daniel Baven, CEO de Noahs, la start-up danoise qui rêve de devenir le Spotify of Food : « Le streaming de la restauration est inévitable. » Symboliquement, avec le concept commercial de Demain à Main, cette vision techno-futuriste prend un peu forme. L’expérience culinaire se retrouve inévitablement plateformisée.


Tout le paramétrage se passe en ligne, de l’inscription à la résiliation. À leur arrivée dans le restaurant dont la cuisine tourne en continu, les clients s’identifient via leur compte, passent commande via un QR code (fourni apparemment par la plateforme luxembourgeoise Iziii, plutôt que par le roi belge de la commande mobile OrderBilly) et profitent de leur moment.

Derrière ce parcours client simplifié, l’ambition s’affiche clairement : fluidifier l’acte de bien manger, fidéliser autrement les adeptes du restaurant, rentabiliser davantage l’activité horeca.


Plus qu’une expérience de repas numérisée, Guillaume Gersdorff teste un modèle d’affaires dans un secteur sous tension (inflation, pénurie de personnel, comportements de consommation versatiles). Le restaurateur en série fait le pari de l’agilité et de l’innovation en mettant à sa sauce les codes des plateformes numériques (relation directe avec la clientèle, engagement avec la communauté).


Le chef namurois laisse entendre que son obsession reste intacte : proposer une gastronomie généreuse, artisanale, mais affranchie des contraintes classiques. Pour mémoire, il mène ses expériences depuis son laboratoire culinaire, La Rue de Demain, un parcours gourmand établi dans une artère de la ville.


Là se dressent ses quatre établissements aux concepts hybrides : Ta Mère la Gaufre où tout, du sucré au salé, est confectionné dans l’atelier ; Good Guy Smash, un point d’enlèvement et de livraison de smash burgers ciblant les adulescents ; et Le Tailleur de Pâtes, cuisine et école à la fois, pour préparer et transmettre son savoir-faire acquis à Bologne.

Un modèle d'exploration avant d'être un modèle d'exploitation


Reste à voir si ce premier modèle d’abonnement culinaire s’inscrira durablement dans nos habitudes de consommation, ou s'il restera un prototype de réponse agile à une époque en quête de repères économiques.


Si l'abonnement de Demain à main ouvre une piste à explorer, avec à la clé une stabilité de trésorerie bienvenue pour le secteur horeca, cette formule low-cost (29,9 € pour deux repas) semble à première vue constituer une niche, séduisante mais réservée à une clientèle urbaine en demande de commodité originale.


Parviendra-t-il à maintenir sa rentabilité face à la volatilité des coûts des matières premières comme des ressources humaines, tout en satisfaisant l'attente d'exclusivité et de créativité qu'attendent les clients de la haute cuisine ?


Plébiscitée par les nouvelles générations, cette plateformisation de la gastronomie offrira-t-elle un avantage concurrentiel unique, pérenne, ou risquera-t-elle de marquer une forme de banalisation du modèle de souscription ? Devenant alors incompatible avec une expérience culinaire d'exception. Demain nous le dira ?


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